La tribune de l’histoire, le malaise.
L’histoire, quelle
merveilleuse matière. Autant l’histoire émerveille, donne à celui qui l’évoque
la stature de l’érudit, autant elle est
une arme destructrice. Entre les mains
des hommes comme Ananie Rabier Bindzi, l’histoire est un prétexte.
Ce dimanche soir,
c’était l’heure de la tribune de
l’histoire, j’aurais pu me contenter du titre et du générique comme
souvent, mais la curiosité, ce vilain défaut, m’entraîne à m’installer devant
mon bocal. C’est le Général Semengue, le
mythe, me souffle mon petit doigt.
Car depuis le temps,
mon imaginaire de gamin est embué du mythe Semengue. Il ya là une occasion sans
nulle autre pareille. C’est vrai, il y a quelques années, dans le livre
interview accordé au regretté Charles, nous avons vu quelques tâches sur la
parure jusque là impeccable de notre symbole. Dans le livre, nous avons ainsi
appris que des militaires putschistes ne savaient pas manipuler un canon. Mais,
surtout, tenez-vous bien ! Nous avons appris comment réussir un coup
d’Etat militaire au Cameroun. Alors, rien que pour ces souvenirs, je suis resté
devant mon bocal. Pas pour peaufiner la méthode de coup d’Etat ?
Non ! C’est très dangereux, d’ailleurs depuis, je cherche Guerandi,
j’imagine vous aussi ! Aie ! Mon
petit doigt, je sors de la route ?
Donc, ce dimanche j’ai
eu pour mon compte. La bande d’annonce prévoyait un témoin de l’histoire. Qui
ne veut pas écouter un témoin de l’histoire. Alors, comme des millions de
Camerounais, je suis resté bien gentiment devant mon bocal. Pierre Semengue,
unique Général dans un pays unique était aussi rare que les larmes d’un chien.
Pierre Semengue, Président de la Ligue professionnelle de Football, nous l’avons
à toutes les sauces, mais Pierre Semengue, témoin de l’histoire, il fallait
être là. Alors je suis resté. J’ai écouté, j’ai bu les paroles, puis j’ai senti
mes entrailles se retourner, alors j’ai vomi, sur ma moquette, faut pas le dire, pov’moquette. Le
suspense était intense, j’ai perdu mon diner. L’histoire ne sortait pas !
Et la tension montait, notre témoin sur les encouragements de l’historien
autoproclamé de mon bocal privé, alignait les anecdotes, les blagues suivies de
poillardes.
Notre témoin qui
convoque d’autres témoins, l’historien autoproclamé, anciennement journaliste, apprécie,
« Mon général ! Nous avons l’exclusivité ». Le Général témoin se
prend au jeu, il se voit dans le rôle de Superman, il a sauvé Fru Ndi, il a
empêché un deuxième coup d’Etat. On sait que le premier était l’œuvre des pieds
Nickelés, le deuxième organisé par une foule de 200 à 200 000 camerounais
amassés sur le pont de Bangangté, a été contré, à mains nues, par notre Général
témoin, devenu Spiderman. Demandez à
Angouan ?
Notre journaliste,
autoproclamé historien de mon bocal privé, opte pour l’histoire à l’envers.
Pourquoi faire simple si l’on peut faire compliqué. D’abord aujourd’hui, puis
hier. Comme cela le présent explique le passé. Il frappe les esprits. Des
moments chauds, des années 1990, notre poseur de questions fait dire à notre
témoin acteur, dans une complète hilarité consternante, qu’il ya eu un mort à
l’université, tué certainement par les balles des étudiants. Notons, qu’il a
fallu 25 ans pour que l’on passe de zéro mort à un mort. Du courage. Mon petit doigt, pov’moquette.
Notre journaliste
autoproclamé historien s’agace, il écoute depuis trop longtemps. Il n’expose
pas ses connaissances et les téléspectateurs, qui sont restés, avec des intestins solides, peuvent croire
qu’il ne pose que des questions. Après avoir fait reconnaître à son invité que
les villes mortes étaient animées par des jeunes drogués, alimentés par Rhône
Poulenc, une société française dirigée par un Bamiléké, ancien opposant devenu
Sénateur, Pierre Flambeau Ngayap, notre journaliste se dévoile. Et l’histoire
devient le tribunal. C’est le moment de régler son compte à cette ethnie, les
Bamiléké. Des envieux, des cupides, dynamiques parce qu’ils ont massacré leurs
frères. Dans une posture de tribun politique, il assène, « savez-vous,
affirme notre journaliste, que les plantations de Bonaberi à Nkongsamba
appartenaient au Sawa ? » Cette catégorie de journaliste ose tout. J’ai plus rien à vomir.
Ces populations, Bassa
et Bamiléké, sous le prétexte d’être des résistants, « sont responsables
de 99% des morts durant la période du maquis ». Notre journaliste ne doute
de rien, comme tous les ingénus. Il oublie de préciser, dans le cas des Bamiléké,
que ces derniers sont montés dans les avions français, armés de Napalm, pour
bombarder leurs propres villages. Ces populations sont cupides, elles savaient
qu’en 2015, un Président français viendra au Cameroun et reconnaîtra les
crimes, et comme cela ils demanderont des réparations. Ce n’est pas bien
calculé çà ? Affaire Nkap ! Mon
petit doigt
Voila l’histoire faite
par les snippers. Quand vous confiez
votre espace, votre temps à des historiens du dimanche, vous récoltez ce
malaise. Où sont les historiens Camerounais ? Certainement à la quête des
postes, comme les autres. Ouvrir les archives et les lire, est-ce faire de
l’histoire ? Personne ne m’a sonné.
Je passais.
Nabali Mitsere nabali-mitsere.blogspot.com
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