L'homme qui m'offrait le ciel. Les dessous d'un traumatisme.
Avec ses dernières déclarations sur les hommes noirs, cette écrivaine cherche constamment la lumière. Elle veut vivre et embrouille souvent ceux qui l'admire. Ce texte date de
2009, je n’ai pas pu y rajouter une virgule. Je vais simplement dire que la
pirouette accuse le vent. Et les mêmes maux entraînent les mots identiques.
Comment passer a côté d’un titre de la très gracieuse
Calixte Beyala. Admirée, honnie, mais jamais, elle ne laisse indifférent.
Pourtant, c’est in extremis que j’ai fait la connaissance de L’homme qui
m’offrait le ciel. Dès que je l’ai déposé, je voulais dire, lorsqu’il est
tombé de mes mains, j’ai compris pourquoi elle n’a pas pu faire le tour des
médias. Comment rester dans le romanesque en abordant des sujets graves?
Comment ne pas blesser et simplement émouvoir? Ces questions portent la trame
du livre. Le roman transporte et fait voyager. Il invite spécifiquement dans le
quotidien d’Andela. Sans aucune préparation, nous prenons place auprès de cette
charmante jeune femme, « Noire, africaine et mère d’une ado
rebelle ».
Les mots enrobés dans l’africanisme sonnent justes.
Les dialogues claquent et dessinent précipitamment l’espace des amours
entremêlés. La jeune file de quinze ans s’attribue la raison. Elle peste, et
lève constamment les yeux au ciel, comme si elle veut y apercevoir sa mère. En
vain, elle materne et invective. A celle, qui a cessé d’être sa mère, elle
lance: « Tu ferais mieux de sauver ta peau avant la mienne,… »
Le roman de l’amour à venir
Andela, la mère, ne veut pas croire à l’amour
impossible. Elle est écrivain, célèbre et connue dans le monde entier. Elle ne
s’imagine pas à la place de ses héroïnes, plates et objets de pitié. Depuis une
vingtaine d’années, elle vit les miracles de la France. Ce pays qui transforme
le cauchemar des jeunes et belles filles africaines, victimes du machisme des
Africains, en rêve technicolor. Ne suffit-il pas d’obtenir un visa?
Ce roman aurait un intérêt médiocre s’il n’avait été rédigé
par Calixte Beyala. Cette égérie du petit écran français, porte parole des
multiples causes et autres manifeste… Il a tous les ingrédients de cette
littérature à l’eau de rose. Celle qui fait rêver les lectrices des romans
photos obnubilées par la dramaturgie du « Prince charmant ».
Ce roman aurait trouvé, dans l’indifférence, une belle
place dans les rayonnages des flops littéraires des maisons d’édition, s’il
s’était limité à relater les ébats amoureux entre un blanc et une noire. Dans
le registre, Guy des Cars nous a comblé. Il a été copié et imité avec moins de
succès par de nombreux écrivain et majoritairement dans la catégorie des
gratte-papier à la petite semaine.
Y’a bon blanc là
Ce roman n’est peut-être pas un chef d’œuvre de
littérature, mais il porte la détresse. Il contient, à travers chaque lignes,
les désillusions et rêves médiocres d’un écrivain. Calixte Beyala met
constamment en parallèle la culture occidentale et celle africaine. On ne peut
sonder les reins pour dévoiler la part du réelle dans les œuvres. Toutefois,
aux voisins et frères qui viennent avertir Andela des risques qu’elle prend en
entretenant des relations avec un homme blanc, elle met dans la bouche de son
héroïne ces mots: « Si vous étiez un peu plus gentils avec vos épouses,
un peu plus doux, un peu plus tendres, un peu plus amoureux, un peu moins
machos, peut-être que … ». Ces mots tracent le contre caractère
immuable des hommes blancs. Ils construisent ainsi le mythe autour du gendre et
de l’époux idéal représenté par l’homme blanc. Nous n’allons surtout pas
chercher les origines de cette construction mentale du mâle idéal dans les
séquelles de l’esclavage et de la colonisation. J’entends déjà d’ici, les
réprobations sur le recours à l’histoire. Les âmes sensibles n’hésiteront pas à
démontrer que les Africains font toujours appel à l’histoire. Et pourtant, ne
faut-il pas être victime pour prendre conscience?
Le troupeau bleu blanc beur
Dans tous les cas, le personnage d’Andela est inspiré
d’une expérience amoureuse douloureuse. Calixte Beyala, dans une interview publiée
sur internet, confesse une histoire amoureuse difficile avec l’animateur de
télévision Michel Drucker.
Dans le troupeau, attelé à vivre, chaque mouton n’a
pas la préoccupation de sa couleur de laine. Par contre, il reconnaît très vite
celui qui n’a pas la même couleur que lui. A marée haute, le crocodile tolère
la présence du tronc d’arbre. Ce dernier permet de tromper la vigilance des
proies éventuelles. Quand les eaux se retirent, la confusion n’est plus
possible et la cohabitation non plus.
Andela ne se voit plus en femme africaine. Elle croit
être un crocodile parmi les crocodiles. Elle croit aussi que les autres ne
distinguent plus la couleur de sa peau. Elle est dans le même immeuble que les
blancs. Elle entre sans entraves dans leurs restaurants. Elle n’a nulle besoin
de SOS Racisme pour passer à la télévision. Elle utilise leurs codes et leurs
mots etc…
Amoureuse d’un blanc, elle ne voit plus le regard,
elle est heureuse et transparente. Pourtant, quand elle écoute son amoureux lui
dire: « Imagine que je la quitte…que vont dire la presse et la France
profonde si on apprenait que j’ai quitté ma femme pour une femme noire? »
Andela laisse brutalement la place à Calixte Beyala.
Enervée, blessée, elle accuse Michel Drucker de n’être pas de son temps. Qui
est fou de qui? Où se trouve le moderne? Quand l’amour renverse les valeurs que
l’histoire politique occidentale veut immuables. Andela voit s’évanouir ses
rêves de femme, de femme ni noire, ni blanche. Sa bulle d’intégration explose.
Va-t-elle comprendre que l’on n’entre pas par infraction chez les intégrateurs.
On ne peut exiger l’intégration avec un pistolet sur la tempe. L’intégration
sera toujours une démarche conjointe. Des blessures, des cicatrices et autres
bobos amènent toujours aux mots. Ceux de la fin ouvrent un espace de futurs
désillusion, écoutons: « Il avait sabordé ma foi, bousillé mon
espérance et déclenché quelques mauvaises lunes de ma vie » Et plus
loin dire, « l’acte le plus courageux de la vie de François, c’est de
m’avoir aimée et çà, il n’ya rien à ajouter. ». Encore un mot, et nous
allons lui lever notre chapeau pour s’être aperçu qu’elle était noire après
deux années de relations intimes.
Nabali Mitsere.2009
Calixte Beyala, L’homme qui m’offrait le ciel,
Paris, Albin Michel, 2007. ISBN 978222617715-5
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